Montréal, une ville qui change grâce à ses designers
Vous trouvez que Montréal change de visage à toute vitesse ? Que des constructions de plus en plus contemporaines remplacent les anciens bâtiments publics ? Que la rue alloue toujours plus de place aux installations interactives, aux expériences ludiques ? Sachez que le Bureau du design de la Ville de Montréal y est pour beaucoup. Sa commissaire, l’infatigable Marie-Josée Lacroix, vient de recevoir un prix Hommage lors des 10es Grands Prix du design. Une façon de souligner que c’est grâce à ses efforts soutenus que le design a pu se tailler une telle place à Montréal.
De la ville au design
C’est l’intérêt pour la ville qui a porté Marie-Josée Lacroix vers le design : « Je suis absolument persuadée que la façon dont les villes sont faites a une énorme incidence sur notre expérience quotidienne », explique celle qui a fait ses classes en design de l’environnement à l’UQAM. Ses efforts comme Commissaire au design à la Ville de Montréal, un poste qu’elle occupe depuis 1991, ont visé à faire reconnaître de ce que le design peut faire et à faire rayonner les réalisations d’ici. Elle est entre autres à l’origine des prix Commerces Design Montréal qui récompensent les plus beaux efforts de conception d’espace commercial. Une façon pour la commissaire de tabler sur une idée qui la porte depuis le début de sa carrière : le design ne doit pas être réservé à une élite et, pour cela, il faut le rendre accessible et montrer pourquoi il importe. « La qualité en design est aussi importante pour un dépanneur que pour un restaurant chic. » Le design ne se résume pas pour elle à une question de « look », c’est aussi le sentiment de sécurité, de bien-être, c’est sur toute notre perception de l’espace qu’il influe.
C’est sous sa gouverne que Montréal a obtenu le statut de Ville UNESCO de design en 2006. Un titre qui reconnaît la concentration de talents en design et architecture à Montréal, et qui vise à encourager les instances publiques à faire usage de ce potentiel créatif. Quand on lui demande quelle serait la grande force du design québécois, Marie-Josée Lacroix répond sans hésiter : l’interactivité. Le Quartier des spectacles représente à cet égard une espèce de laboratoire géant. Avec des projets tels que Luminothérapie, ou encore les balançoires musicales, Montréal s’est taillé une place de choix dans le design de dispositifs ludiques et connectés. « L’espace public doit nous proposer de nouvelles expériences pour nous sortir de notre bulle », croit-elle, surtout à une époque où les passants regardent plus leurs téléphones que devant eux.
Structures de qualité
Mais au-delà des installations éphémères, la grande réussite récente de la Ville est le legs durable de nouvelles bibliothèques et centres sportifs, conçus et réalisés avec le souci de la qualité. La bibliothèque Marc-Favreau et celle Du Boisé, ou encore le nouveau Centre sportif de Saint-Laurent — « une véritable cathédrale du sport » — sont autant de projets qui font la fierté de Mme Lacroix. Ces nouveaux bâtiments publics connaissent un grand succès populaire. Une preuve de plus que les efforts du bureau de design de Montréal et de ses partenaires rencontrent un écho chez la population : « Les gens réclament de plus en plus la qualité en design, s’enthousiasme-t-elle, et plus ils vont en demander, plus on va en faire. »
Privilégier les concours plutôt que les coûts
Si ces projets audacieux ont pu voir le jour, c’est aussi grâce à un changement de culture à la Ville, auquel la commissaire est fière d’avoir contribué. « Les projets sont de plus en plus souvent choisis par concours, plutôt que par la plus basse soumission. On y va avec le meilleur concept au lieu d’aller seulement vers le bas coût. » Et ces concours sont aussi de plus en plus ouverts aux jeunes designers, surtout à travers les projets éphémères. Récemment, le concours pour aménager le futur chantier de la rue Sainte-Catherine a permis à une jeune firme, Kanva architecture, de voir sélectionnée leur proposition de structure de grandes arches gonflables.
Belle initiative que ces aménagements autour des travaux, où le design tente de réduire les nuisances des problèmes du quotidien. Ce souci pour l’amélioration de l’environnement commun, pour penser en amont les transformations à venir, est une des facettes d’une collaboration de plus en plus étroite entre les différentes instances de la Ville avec les designers. Et le travail patient accompli depuis 20 ans par Marie-Josée Lacroix n’est pas étranger à cette ouverture. Ayant misé sur le design québécois, elle se voit aujourd’hui récompensée pour son leadership par le milieu professionnel qu’elle a tant soutenu. Encore surprise d’avoir reçu un prix Hommage, elle s’exclame : « Je ne suis pas près de prendre ma retraite ! »